Quand le syndicalisme est mise sur le long terme en s'appuyant sur la base
General Electric (GE) possède un département entier dont le but est de maintenir les syndicats hors de ses usines. Les efforts de ce département " Entretien du vide syndical " ont porté leurs fruits. La dernière victoire syndicale au sein d'une usine GE à Murfreesboro, dans le Tennessee, date du milieu des années 1980.
En revenant à une vieille stratégie d'organisation du syndicat, l' IUE-CWA tente d'ébranler la forteresse GE. Les syndicats, y compris le Syndicat international des travailleurs de l'industrie électrique (IUE), qui représente 16.000 ouvriers de GE, ont pour coutume d' essayer de syndiquer les usines GE une par une, en faisant embaucher des organisateurs porteurs d'une campagne de long terme. Quand l'appui ouvrier ainsi récolté ne permettait pas d'atteindre la majorité, les ressources syndicales, y compris les organisateurs, étaient mutées. Cela rendait souvent les sympathisants du syndicat amers, troublés et accentuait le portait du syndicat dressé par l'entreprise : celui d'un tiers extérieur.
L'IUE a fusionné avec Communications Workers (CWA) en 2000, et cette fusion s'est accompagnée d'une maturation de différentes stratégies d' organisation. CWA menait deux efforts d'organisation non conventionnelle, " Washtech " et l'" Alliance@IBM ", tous deux des organisations de membres plutôt que de traditionnels syndicats. Leur but est d'améliorer les conditions de travail en changeant le comportement des dirigeants sans passer par un accord de négociation collective.
LA STRATEGIE ORIGINELLE
Bien qu'on en parle souvent comme d'une " nouvelle " stratégie, il s' agit bien en réalité de la stratégie originelle du syndicalisme. Avant le vote des lois sur le travail, la seule source de pouvoir et de protection des travailleurs était de trouver des façons innovantes pour mettre en oeuvre des occupations collectives de locaux comme moyen de pression sur la direction.
L'IUE-CWA a adapté la stratégie d'organisation de ses membres du fait de l'organisation anti-syndicats de GE. Les comités WAGE (Working At GE) ont commencé à bâtir un syndicat sur deux implantations GE : Johnson Technologies à Muskegon, dans le Michigan, et sur le site de l 'Aircraft Engine and Global Nuclear Fuel à Wilmington, en Caroline du Nord.
À ces deux endroits, des comités WAGE ont été bâtis sur les fondations laissées par l'échec des tentatives classiques de syndicalisation. À Johnson Technologies, les activités de WAGE ont commencé presque immédiatement après que l'IUE-CWA y a perdu une élection de représentants. À Wilmington, les militants qui avaient été au centre d 'une campagne interrompue en 1997 sont devenus le noyau d'un comité WAGE formé en avril 2002.
Les comités WAGE se veulent largement auto-dirigés, avec des travailleurs pouvant compter sur leur propre expérience pour trouver les moyens de faire changer le comportement de leur employeur. Le rôle du syndicat est de faciliter les activités du comité et de lui fournir formation et ressources, plutôt que de lui imposer une ligne de conduite dans son travail.
C'est un grand pas pour les membres d'un ancien comité local d' organisation, accoutumés au travail sous la direction d'un organisateur syndical présent sur leur site à plein temps. Au départ, les travailleurs se montrent troublés et sceptiques (à juste titre) sur le besoin d'une approche différente. Beaucoup de temps doit être consacré pour les convaincre, surtout du fait que cette approche requerra de leur part une énergie et une implication accrues.
À la question de savoir combien de temps l'IUE-CWA poursuivra les stratégies Washtech, Alliance et WAGE, son vice-président Larry Cohen répond : " Aussi longtemps que cela sera nécessaire. " Cette réponse a été rapportée aux travailleurs de Wilmington comme le signe que l' IUE-CWA ne se retirera pas même si le soutien à sa campagne ne se manifeste pas rapidement lors des prochaines élections de représentants. Malheureusement, l'interprétation que les travailleurs ont d'abord accordée à cette déclaration est que l'IUE-CWA n'était pas intéressé par une élection et qu'ils auraient à cautionner une sorte de syndicat de seconde classe. L'intention était à l'opposé : le but, avec WAGE, n 'est pas d'être présent aux élections, mais bien de les gagner.
Pour être réaliste, il est peu probable de gagner une élection rapidement à GE, encore moins à Wilmington, qui subit des licenciements dus à un ralentissement de l'économie et est situé dans une région hostile aux syndicats (la Caroline du Nord est, bien sûr, un état ayant une législation dite du “droit au travail”).
UN COMITE HYBRIDE
Un comité WAGE est un hybride entre un comité d'organisation et un syndicat local (à condition que le syndicat local privilégie les initiatives des membres plutôt que la bureaucratie descendante).
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Les activités du comité se veulent le moteur du soutien au syndicat en montrant qu'il est possible d'améliorer les conditions de travail au moyen d'actions collectives de la base. Pendant que le comité travaille à l'amélioration des choses, les travailleurs font l' expérience en première main de ce qu'est un syndicat dans sa meilleure forme, tâtant concrètement de l'action syndicale.
Les travailleurs ont le choix de joindre WAGE comme membres ou comme soutiens. Les membres cotisent 10 dollars par mois, deviennent membres de l'IUE-CWA avec la possibilité de voter, et peuvent bénéficier de nombreux avantages. Les cotisations retournent au comité et servent à financer son fonctionnement. Membres et soutiens participent aux activités du comité.
À Wilmington, par exemple, la réunion du comité WAGE d'avril a concentré son attention sur l'approche punitive de GE sur les questions de la santé et de la sécurité. Les travailleurs étaient invariablement considérés comme étant responsables des accidents ayant causé des blessures et devaient subir une " session de coaching " (une séance de discipline) pour en avoir fait état. Les membres ont aussi discuté de la difficulté de se procurer les fiches de données sur la sécurité du matériel (MSDS), requises par la loi, et des problèmes avec les procédures de manipulation de matériaux dangereux.
Aux environs de la réunion WAGE suivante, la direction a rendu l' information MSDS accessible à partir d'ordinateurs situés dans l' atelier. Les superviseurs ont aussi déclaré aux employés lors de rencontres hebdomadaires qu'ils auraient à reporter tous les accidents sans crainte d'être punis.
Ce n'est pas étonnant que GE ait réagi aussi vite pour traiter ces questions. Les travailleurs savaient que l'OSHA de Caroline du Nord était supposé conduire un audit annuel en juin. Un moyen de pression était trouvé, et il a été répondu à certaines des préoccupations des travailleurs par le seul fait de discuter du problème.
L'INTRODUCTION D'UN CONTRAT HORS-SYNDICAT
IUE-CWA et les comités WAGE locaux tentent de projeter plus loin le pouvoir des employés de la base sur des sites GE non syndiqués au moment de la négociation du prochain contrat maître, en 2003, entre GE et les 13 syndicats qui forment le Conseil de négociation coordonnée.
Selon un des axes de sa stratégie de vide syndical, GE a volontairement passé sur les avancées obtenues à la table des négociations par les employés non syndiqués. On a déclaré aux travailleurs de Wilmington, par exemple, que les licenciements tiendraient principalement compte de l'ancienneté et que la progression des salaires serait garantie pour les plus anciens dans le contrat maître. Le message est que les travailleurs seraient fous " d' acheter une vache " (payer les cotisations) alors qu'ils " ont déjà du lait " (de meilleurs salaires et des avantages), et ce gratuitement.
Puisque les travailleurs d'usines GE non syndiquées ont le même intérêt à améliorer les contrats maîtres que les travailleurs syndiqués, l'IUE-CWA tente de solliciter activement et d'utiliser l' information réunie par les comités WAGE pour formuler des demandes dans la négociation. Le syndicat enverra aussi des membres de WAGE à la table des négociations.
Il y a beaucoup d'obstacles à surmonter. De nombreux travailleurs de GE en Caroline du Nord, comme partout aux États-Unis, sont à la fois apathiques et intimidés, et croient dur comme fer ce qu'on leur raconte à propos des syndicats. Cela leur prendra du temps de dépasser leur peur et leur immobilisme, et d'oublier les transgressions passées.
L'approche WAGE, qui sous-entend la fidélisation progressive du soutien au syndicat et l'apprentissage des travailleurs, depuis le départ, à l'action de la base, devrait parfaitement permettre de relever ce défi.
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